mardi 8 novembre 2011 
                                  
Le secteur avicole 
sénégalais qui a un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards CFA, fait
 face à de réelles difficultés. Les professionnels du secteur se 
plaignent d’une situation trop fluctuante liée à l’importation de 
produits qui envahissent le marché. Le Brésil a déposé une plainte 
devant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMC) pour protectionnisme.
Amadou
 Mbodj, le président de la Fédération des Acteurs de la Filière Avicole 
(FAFA) du Sénégal est formel, la viande de poulet peut être plus 
accessible aux Sénégalais si les mesures d’accompagnement adéquates sont
 prises pour assister leur secteur. Il s’agit essentiellement de mieux 
accompagner les investisseurs et de rassurer davantage sur la question 
de l’importation. A ce niveau, Amadou Mbodj explique que le Sénégal est 
au banc des accusés à l’OMC. C’est le Brésil qui a saisi les autorités 
de l’OMC pour dénoncer des pratiques de protectionnisme révèle le 
président de la FAFA. Des concertations se mènent pour apprécier la 
plainte du Brésil. Tous les professionnels sont préoccupés par la 
question de l’importation car le gouvernement n’a pris qu’un décret de 
suspension. Cela ressemble fortement à une épée de Damoclès et beaucoup 
d’acteurs hésitent à mettre plus d’argent alors que la production peut 
passer du simple au double affirme Mbodj.
Au Sénégal, malgré une longue tradition d’élevage de 
poulets, Il n’existe pratiquement pas d’élevage industriel. L’aviculture
 sénégalaise constitue pourtant un maillon dynamique de l’économie 
nationale. Le secteur avicole sénégalais qui est aujourd’hui à une 
production de 15 millions de poulets de chair par an, connaît une hausse
 permanente. Elle a créé près de 10 mille emplois directs et indirects 
tout en mobilisant un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards F Cfa, 
dont la moitié est destinée aux investissements structurants. Les 
importations des viandes de volaille étaient  de 2.412 tonnes en 2000, 
3.840 tonnes en 2001, 7.930 tonnes en 2002, 11.950 tonnes en 2003 et 
13.697 tonnes en 2004.  Entre 2005 et 2010, l’évolution de la production
 avicole locale est passée de 6 à 15 millions pour les poussins, 324 à 
472 millions pour les œufs, 9 à 24 tonnes pour la viande et enfin 180 à 
300 tonnes pour la capacité de production aliment. Ces statistiques, de 
la Direction de l’élevage (2010), témoignent d’une nette progression 
dans tout le secteur. De plus, environ 15 mille personnes s’affairent 
aujourd’hui autour de cette filière très porteuse. Ils sont à la fois 
dans la production et dans la distribution. La préparation des volailles
 se fait habituellement dans des tueries artisanales améliorées ou non, 
intégrées dans des fermes de production de poulets de chair. 
Parallèlement, il existe des installations de prestation de service 
appelées « déplumeuses », mais aussi des tueries dans les grands marchés
 polyvalents. D’après le rapport d’audit sanitaire conjoint (DSV-PDMAS 
2010), il existe 11 installations de transformation de volailles dans la
 région des Niayes : 7 intégrées dans une ferme de production et 4 
« déplumeuses ». Pour l’heure, il existe 2 ou 3 éleveurs qui commencent à
 faire de la découpe et à améliorer la qualité commerciale de leurs 
produits par un meilleur conditionnement. Ce volet est important car les
 pays de l’Union Européenne sont très exigeants dans la qualité.
Les facteurs bloquants
La transformation des produits avicoles est quasi 
absente du fait de l’inexistence des unités industrielles et de 
formation. On note également quelques facteurs bloquants dans ce secteur
 dont la gestion du foncier, la législation, le manque 
d’infrastructures, entre autres. Le coût de la production préoccupe 
parce que le poussin producteur coûte 4.000 FCFA. Les acteurs du secteur
 regrettent également le manque d’infrastructures. En effet, il n’y a 
pas d’abattoir-volaille, ni de chambre froide au Sénégal. D’après les 
propos d’Amadou Mbodj, président de la Fédération des Acteurs de la 
Filière Avicole (FAFA) « Un projet d’environ 17 milliards a été créé 
pour améliorer le secteur mais il reste toujours en suspens et ceux qui 
sont chargés de sa mise en œuvre évoquent des problèmes de gestion ». 
Selon ce dernier, le coût pour disposer d’un abattoir tournerait autour 
de 150 millions FCFA. Une fois construit, les acteurs de la filière 
pourraient y gagner une part importante de marché. Et, au lieu de 15 
millions de poulets (chiffre actuel), le Sénégal passerait alors à 30 
millions de poulets par an.
En étalant sa feuille de route et en affichant ses 
ambitions, le président de la FAFA n’oublie pas d’évoquer tous les 
obstacles auxquels font face les acteurs du secteur avicole : « Je fais 
partie des gens qui ont le plus souffert dans ce secteur. Je suis 
présent dans la filière depuis plus de 20 ans. En un moment donné, 
j’avais arrêté parce que j’avais du mal à écouler 500 poulets avec les 
importations en masse. L’Etat n’avait rien fait du tout à cette époque. 
Même des vendeurs de poissons au marché poisson de Pikine, s’adonnaient à
 la vente de cuisses de poulets », se rappelle M. Mbodj. S’y ajoute que 
la carence au niveau du système de congélation a engendré la rupture de 
poulets au Sénégal. Non sans oublier le problème financier pour le 
stockage et les coupures intempestives de courant qui créent des 
désagréments au niveau de la conservation.
Dans la même veine, Idrissa Kama, le président de 
l’Union Nationale des Acteurs de Filière Avicole du Sénégal et 
vice-président de l’Union des Organisations de la Filière Avicole des 
Etats de l’UEMOA rejoint l’idée d’Amadou Mbodj et parle des difficultés 
du secteur. « Les investissements au niveau de la filière avicole ne 
sont pas encore conséquents. S’agissant des poulets, nous ne sommes pas 
encore compétitifs sur le marché. Nous attendons au niveau de l’Etat la 
mise en place d’un abattoir. C’est à dire que le Sénégal doit avoir des 
chaînes de distribution, des systèmes de congélation pour arriver à un 
niveau performant. Nous avions mis en place un programme d’abattoir mais
 il reste toujours insignifiant », regrette t-il.
Importation frauduleuse de poulets
En 2005, l’évolution inquiétante de la grippe aviaire 
dans le monde avait conduit le Ministère de l’Elevage à introduire un 
arrêté interministériel n° 007717 du 24 Novembre 2005. Cet arrêté 
interdisait toute importation de produits de l’aviculture et de 
matériels avicoles usagés afin de limiter les risques d’introduction de 
la grippe aviaire via les circuits commerciaux. Le Ministère d l’Elevage
 avait aussi mis en place un Comité National de prévention et de lutte 
contre la Grippe Aviaire (CONAGA), un organe multisectoriel et 
multidisciplinaire. Malgré tout ce dispositif, l’importation frauduleuse
 de poulets continue à inonder le marché sénégalais. Selon Dr Baba Sall 
du Ministère de l’Elevage, les agents des services départementaux de 
l’élevage de la région de Dakar avaient saisi sur le marché dakarois des
 produits frauduleux. En l’occurrence, 14 kg de cuisses de poulets à 
Guédiawaye en Juin 2011, 17,5 kg de cuisses de poulets à Pikine Ben 
Barack le 17 Août 2011 et 280 poulets entiers produits en Uruguay et au 
Brésil pour un poids total de 560 kg le 19 Août 2011. Sans oublier, la 
saisie de 120 kg de cuisses de poulets dissimulés dans des cartons de 
viandes congelées, en Avril 2011. Ce container pris au niveau du port 
provenait d’Italie. Malgré l’essor noté depuis 2005, le risque du virus 
H1N1 est toujours là  et la filière avicole toujours fragile. « La 
maladie est toujours là. C’est la raison pour laquelle nous avons 
maintenu cet arrêté jusqu’à présent », martèle le Docteur Baba Sall.
En outre, la filière reste essentiellement caractérisée 
par son manque d’organisation. De plus en plus, on assiste à l’arrivée 
massive de cuisses de poulets congelés importés qui sont moins chers que
 le poulet local. Récemment, la Fédération des Acteurs de la Filière 
Avicole avait fait une sortie à quelques jours de la Korité pour 
dénoncer l’importation frauduleuse de poulets sur le marché sénégalais. 
« D’après nos informations, une minorité de commerçants véreux auraient 
importé frauduleusement des poulets pour le mettre sur le marché à 
quelques jours de la fête de la Korité en profitant de la forte demande 
et du sous-effectif des inspecteurs vétérinaires en charge du contrôle 
de tous les marchés ». Tels sont les propos lancés par les acteurs de la
 filière avicole qui avaient alors sonné l’alerte pour dénoncer ces 
malfaiteurs qui risquent de faire introduire la grippe aviaire dans ce 
pays si des mesures idoines ne sont  pas prises. « J’ai vu de mes 
propres yeux des poulets importés aux marchés Tilène, Castors et Gueule 
Tapée. Le représentant du Ministère de l’Elevage a confirmé cette fraude
 avec des preuves à l’appui. Le Ministère avait saisi 500 kg de poulets 
importés au niveau de Pikine », avait affirmé le président de la FAFA à 
la veille de la fête de Korité avant d’enchérir : « Il y a un problème 
entre la filière avicole, le Ministère de l’Elevage et le Ministère du 
Commerce. Un lobbying extrêmement important est noté au niveau de 
l’importation. Et ce groupe de lobbyistes ne peut être que les 
importateurs parce que ce sont eux qui y trouvent leur bénéfice ».
Amadou Mbodj signale notamment que la FAFA est 
marginalisée parce qu’elle est peut être membre du CNCR. Ce dernier 
estimant que la plupart des fédérations membres du CNCR sont écartées au
 moment des ateliers et autres voyages d’étude. Selon lui, le Ministère 
de l’Elevage favorise l’UNAFA au détriment de la FAFA. « Nous avons 
travaillé au niveau du Plan National de Développement de l’Elevage. 
Ensuite, nous avons contribué à la sensibilisation et au moment de 
mettre ce projet, on nous a laissés en rade, ce qui n’est pas du tout 
normal », peste Amadou Mbodj. Et Assane Diagne, Secrétaire permanent de 
la FAFA d’ajouter « On ne sent pas vraiment une mobilisation autour de 
l’importation frauduleuse de poulets et on n’est pas du tout protégé ».
 « Le Sénégal est passé de 7 millions en 2005 à 17 millions 500 mille en 2010 » 
Pour les productions de poussins par couvoirs, SEDIMA 
est en tête avec 26% de la production de volaille. Elle est suivie de 
SOSEPRA 22%, SEEMAAP 15%, PRODAS 13%, JAILAXMI 12%, les sociétés comme 
AVI PROD et SAPRAM 4% chacun, Complexe Avicole de Mbao 3% et SENAV 1%. 
En 2010, le Sénégal a produit 188.915 tonnes d’aliment volailles avec un
 chiffre d’affaires de 49 milliards. La production locale de viande de 
volaille industrielle a été de 24.409 tonnes avec un chiffre d’affaires 
de 36 milliards 704 millions. Et la production nationale d’œufs de 
consommation a été de 472 millions d’unité, soit un chiffre d’affaires 
de 28 milliards 320 millions. Les poussins sont exportés au niveau du 
Mali, de la Guinée, de la Mauritanie et du Burkina Faso. Le nombre de 
poussins exportés par les couvoirs est estimé 112 mille 150 en 2010.
Amina DIENE 
(stagiaire)
 

 Association des Aviculteurs de Dakar (AAD)
 Association des Aviculteurs de Dakar (AAD)